La Duchesse prit un peu de temps pour rassembler ses idées. Par où commencer ? Elle n’allait pas raconter au Duc toutes ses aventures de jeunesses, ce qui l’avait conduit à la mairie d’Orléans ou encore à la tête du Duché d’Orléans. Non sans doute valait il mieux s’intéresser aux derniers événements.
Alors, Lexhor d'Amahir, nous allons essayer de brièvement vous conter nostre histoire depuis nostre mariage. Ce dernier nous a unie le 21 mars 1455, avec Baptistin de Cheroy, dit le sublime, nous offrant alors l’immense « honneur » d’entrer dans « l’illustre » famille du même nom.
A cette occasion nous avons donc mis en commun nos biens et nos titres. De mon côté le Duché de Romorantin et la Baronnie de Ferrières et du sien la baronnie de Sully. Nous avions convenu par testament que nos titres iraient à nostre descendance.
Malheureusement cette raisonnable idylle n’aura pas vraiment pu prendre son envol. Lors du siège d’Orléans mené par les infasmes bretons, durant l’été de la même année, nous fûmes très grièvement atteinte. Immobilisée pendant près de deux mois, nous avons donc pris le parti de nous réfugier dans un monastère orléanais. Mais la blessure était plus profonde que prévue, et nous nous sommes petit à petit coupée du monde. Loin de toutes les contingences extérieures, nous avons prié sans relasche ne ménageant point nostre peine.
Ce n’est qu’au cours du printemps dernier que nous avons senti quelque force nous revenir. Après avoir pleuré le décès de feu nostre mari et de nous estre recueillie quelque temps sur sa tombe, nous avons décidé alors à reprendre goust à la vie.
Quelle ne fût pas nostre surprise d’apprendre alors que nos titres nous avait été repris parce nous étions en prière et tellement absorbée par celle-ci que nous avions manqué la cérémonie d’allégeance. Nostre démarche auprès de la hérauderie est restée lettre morte, et nous ne savons ce que nous pouvons faire de plus. Peut estre pourriez vous nous venir en aide sur ce point ?
Corouine attrapa son eau tiède, y trempa les levres et reposa la coupe avant de poursuivre.
D’autre part, nous sommes arrivée au milieu d’un procès inique et sans fondement, de Sieur Alexandre qui s’octroyait nostre baronnie de Sully sous le pretexte que feu nostre mari lui aurait dit qu’il était d’accord. Nous avons alors écrit une lettre pour faire entendre raison à la justice orléanaise, mais il semble que celle-ci, fort marie de la tournure que prenait les événements est considérée que nostre avis n’était point recevable. Nous traitant telle une manante de bas étage, crachant sur le bien fondé de nostre très aristotélicien mariage, nous avons subi une véritable humiliation.
Forte heureusement la hérauderie a su faire la part des choses dans cette affaire, nous attribuant comme il se doit la baronnie de Sully sur Loire.
Vous imaginez donc comme il est difficile pour nous de sentir le poids des regards accusateurs de nostre propre famille d’adoption. Vous devez bien vous rendre compte que chacun de nos pas en ce chasteau, qui fut nostre autrefois, devient pesant. Pourtant nous espérions pouvoir apporter à nostre duché service et conseil, autant que faire se peut, mais nous ne pouvons endurer la vilénie à nostre endroit à chaque instant.
La Duchesse s’arresta, la gorge nouée, des larmes commençant à lui perler aux paupières.